reconstitution_tombe_Varna

Varna, un site exceptionnel du Chalcolithique

La collection « Varna » s’inspire de la parure découverte dans la nécropole chalcolithique de Varna.
C’est un site exceptionnel en archéologie, et notamment dans la question du développement de la métallurgie à l’Âge du Cuivre (Ve millénaire avant J.-C.).

Varna est une ville de Bulgarie située à l’Est du pays, sur les côtes de la Mer Noire.
En 1972, lors de travaux de construction, des tombes ont fait surface. Aujourd’hui, ce sont 320 sépultures (inhumations, dépôts, tombes symboliques/cénotaphes) qui sont sorties de terre.

Varna et la Culture Kodžadermen-Gumelniţa-Karanovo VI

Selon les archéologues, le site de Varna appartient à la Culture chalcolithique de Kodžadermen-Gumelniţa-Karanovo VI (KGK VI)*.

La Culture KGK VI fait référence à un peuple d’agriculteurs (céréales et légumineuses) et d’éleveurs (bovins, chèvres, moutons et porcs). A cette époque, la chasse est encore pratiquée, et devait être importante dans la société, car de nombreux outils du quotidien ont été réalisés dans des ossements d’animaux chassés.

Cette société avait des activités artisanales diverses, et toutes extrêmement bien maitrisées.
Les poteries témoignent de l’habilité des artisans à les cuire à haute température. Elles sont de formes assez variées, mais l’on retrouve souvent des protubérances qui les rendent assez caractéristiques de la région.

Superlames en silex découvertes sur le site chalcolithique de Varna


Bien que la plupart des outils en silex (grattoirs, lames) soient de taille normale et utilisés quotidiennement, certaines lames de silex mesurant plus de 45cm sont aussi rares qu’exceptionnelles. Ne montrant aucune trace d’utilisation, elles devaient revêtir un caractère particulier pour leurs possesseurs.

Des statuettes en pierres, en os ou en terre cuite, témoignent également d’une activité artistique et/ou religieuse assez importante.

Grandes lames en silex découvertes à Varna

Enfin, le travail de la métallurgie est extraordinaire à Varna.
En effet, à cette époque dans le reste de l’Europe, l’Homme est encore en phase de néolithisation, et le travail du métal n’est pas présent partout. Pourtant, dans les Balkans, et notamment dans la nécropole chalcolithique de Varna, l’orfèvrerie est extrêmement développée.

*En archéologie, on définit des cultures selon les époques, les lieux géographiques, mais également grâce à tout ce qui constitue des caractéristiques propres aux différents groupes, donc la céramique, les objets en silex, en os, les bijoux, etc.

La nécropole chalcolithique de Varna

La nécropole de Varna est datée du Ve Millénaire avant notre ère, soit il y a 6500 ans (datation au carbone 14 : 4690 et 4330 cal BC*).
Cela correspond à l’Âge du Cuivre.

*En archéologie, on trouve des datations en BC (= Before Christ = avant l’âge 0), en BP (= Before Present = avant le présent = avant 1950). En effet, la datation en BP commence en 1950, date où a été inventée la datation au carbone 14, elle n’est plus utilisée aujourd’hui.
On parle de « cal » pour une datation dite « calibrée » car on sait maintenant que le rapport isotopique 14C/12C n’a pas été constant dans l’atmosphère au cours du temps, ce qui fausse les datations sans recalibrage.

Les tombes

Les 320 sépultures sont remarquables.
Beaucoup sont des inhumations d’hommes ou de femmes (quelques enfants), d’autres sont des dépôts ou des tombes symboliques sans corps (=cénotaphes).

reconstitution d'un cénotaphe découvert sur le site chalcolithique de Varna
Reconstitution d’un cénotaphe de Varna

Les positions d’inhumations sont multiples et dépendent sans doute des phases d’occupation. On retrouve des corps allongés sur le dos, ce qui est assez inhabituel pour l’époque. D’autre sont accroupis, ou fléchis sur le côté.
Les cénotaphes sont très présents sur le site, avec parfois des effigies ou des têtes en argile à la place du corps.

Le mobilier semble assez identique entre les différents types de tombes, même si certaines ont livré un nombre très impressionnant d’artefacts, notamment des cénotaphes.

Le matériel archéologique de Varna

La nécropole de Varna est largement connue dans le monde de l’archéologie par la quantité de vestiges en or qu’elle a livré (environ 6,5kg !).
C’est d’autant plus surprenant, car le travail est déjà très bien maîtrisé. Pourtant, il n’y a que très peu de précédents dans les Balkans à cette époque.

artefacts de 3 sépultures du site chalcolithique de Varna
Artefacts provenant de trois sépultures

Le mobilier archéologique atteint plus de 15 000 artefacts.
Il comprend aussi bien des vases en pierre, ou en céramiques, finement décorés, des outils en silex, des haches en pierre, des armes d’apparat en métaux, de la parure et même des sortes de sceptres.
Les matériaux fréquemment utilisés sont la céramique, le silex, le jade, l’or et le cuivre.

Parmi ces artefacts, nombreux seraient des outils d’artisans : poinçons, ciseaux, herminettes en pierre, grattoirs à ailettes, haches marteaux, outils en bois de cervidé.
Le dépôt de tels objets soulignerait l’importance des artisans et de l’artisanat pour la communauté chalcolithique de Varna.

Les objets de parure sont d’une grande diversité : diadèmes, bracelets, anneaux, colliers et pendentifs de forme géométriques ou zoomorphes (en forme d’animal). La plupart de ces plaques devait être cousue sur les vêtements directement.
Les bijoux sont principalement en or et en coquillages.

Parure découverte à Varna
Parures de Varna

Le site a livré plus de 3100 objets en or.
Sur les 320 sépultures, environ soixante-dix contenaient au moins un objet. Mais certaines sépultures sont particulièrement riches, comme la n°43 qui a livré 990 objets en or, équivalent à 1,5kg !
Trente-quatre des sépultures ayant livré des objets en or étaient des cénotaphes, tandis que dix semble être des inhumation d’hommes, et treize de femmes.
80% de ces objets ont été découverts dans seulement cinq tombes : quatre étaient des cénotaphes et une était une inhumation.

Ce que les études peuvent nous raconter sur le Chalcolithique à Varna

L’importance des cimetières et nécropoles en archéologie

Les différents objets découverts sur un site nous permettent de mieux comprendre une société. Évidemment, les interprétations peuvent être biaisées car, ici, il s’agit d’une nécropole et non d’un village.
Il faut être conscient que tout le monde n’était peut-être pas enterré là, que toutes les tombes n’ont pas forcément été découvertes, et que les objets retrouvés ne sont pas forcément des objets du quotidien.

Toutefois, c’est un pan de la société qu’il ne faut pas négliger d’étudier, car cela montre certains comportements des vivants envers les morts.
D’autant plus que, dans les cimetières et les nécropoles, le matériel est souvent extrêmement bien conservé car enfoui très rapidement. De plus, les objets sont souvent des objets d’apparat, qui n’ont pas été utilisés, et qui ne sont donc pas fragilisés.

L’artisanat et la société chalcolithique

Les objets de parure, les lames en silex, les poteries finement décorées, confirment que l’artisanat était déjà particulièrement abondant et élaboré. Cela suggère une société à grande capacité et une société structurée.
La maitrise, dans la fabrication de tous ces objets, semble montrer qu’il y avait très probablement déjà des corps de métiers, ou tout du moins des personnes spécialisées dans la fabrication de certains objets ou de matières premières.

L’analyse anthropologique de l’une des sépultures les plus riches (n° 43) a montré que l’individu masculin, âgé entre 50 et 65 ans, présentait des conditions pathologiques liées à l’accroupissement et au travail pénible.
Ce qui suggère que cet individu pourrait avoir été un artisan.

bracelet en coquillage découverte sur le site chalcolithique de Varna

Certaines matières premières proviennent de très loin (250 km). Cela prouve qu’il y avait déjà une organisation économique au sein de la société, qui a permis l’accessibilité à différentes matières premières, comme le silex, le cuivre ou les coquilles de spondyle.
Par exemple, la présence de parure dans ce coquillage provenant de la mer Méditerranée, montre qu’il y avait déjà des échanges entre différents groupes qui vivaient dans des régions très éloignées.

Bracelet en coquillage (spondyle) portant des traces de réparation

Les techniques de fabrication

Des analyses sur environ trois-cents objets en or ont révélé différentes techniques de fabrication.
Le martelage avec différents types de marteaux et poinçons, de la ciselure grâce à des ciseaux, qui ont également pu servir à fendre, de la perforation grâce à des pointes coniques, ou encore du polissage en utilisant du sable, des cendres ou encore des plantes siliceuses.

L’étude au microscope de certains objets, et notamment des perles, a également montré que la technique de la fonte à cire perdue était déjà utilisée à cette époque.

perles et parure découvertes sur le site chalcolithique de Varna. on peut observer des bulles d'air issues de la fonte à cire perdue

On observe à la surface des bulles d’air, résultat d’une fonte à la cire perdue

De plus, des analyses isotopiques pour connaitre la composition précise du métal, ont montré que l’or de certains objets était composé à plus de 30% de cuivre. Ce pourcentage de cuivre n’est pas retrouvé à l’état naturel.
Cela prouve que des personnes à Varna ont fabriqué les premiers alliages d’or au Chalcolithique.
Peut-être pour abaisser le point de fusion, économiser ce métal, ou encore pour changer la couleur. Car en augmentant le pourcentage de cuivre, on obtient de l’or rouge, et en augmentant celui d’argent, on obtient de l’or vert.

perles et parure découvertes sur le site; on peut observer des feuilles d'or plaquées

Enfin, une autre innovation a été découverte grâce aux vestiges, c’est la dorure à la feuille d’or.
Encore une fois, cela reste une innovation majeure, qui ne connait aucun précédent aujourd’hui.

Perles en cuivre doré avec une feuille d’or

Que nous apprennent des analyses chimiques/microscopiques sur la société chalcolithique de Varna ?

La plupart des bijoux ne montre pas de traces d’utilisation. On peut donc se demander s’ils n’ont pas été fabriqués spécialement pour la personne enterrée.
Toutefois, certains d’entre eux, et notamment les pendentifs « anneau-idole », montrent qu’ils ont, au contraire, été portés, sûrement sur plusieurs générations.

L’analyse chimique de différents artefacts excavés a montré qu’il existe une diversité de ratios d’or, de cuivre et d’argent. Cette diversité est expliquée pas une variation de composition naturelle des pépites, du fait de leur différentes provenances (pépites alluviales).
Cependant, ces analyses ont également montré que certains objets, pourtant différents dans leur typologie, ont été fabriqués avec le même or. Cela prouverait qu’il n’y avait pas qu’un seul atelier ultra-spécialisé, mais plutôt une production individuelle, de plusieurs petits ateliers.

La large distribution géographique des « anneaux idoles » que l’on retrouve le long du Danube et même jusqu’au Péloponnèse, montre qu’il y a une standardisation de certains objets, et sans doute une motivation sociale ou religieuse à leur fabrication.

"anneaux-idoles" découverts dans plusieurs tombes du site
Exemples d’ « anneaux-idoles ». On observe des traces d’usure sur certaines perforations, ainsi qu’un anneau-idole particulièrement rouge du fait de la présence en grande quantité de cuivre dans l’alliage.

Le Chalcolithique

Pendant des années, l’Âge du Cuivre a été ignoré par les archéologues, et encore plus dans les pays de l’Est.
Pourtant c’est une grande période de transition.

C’est notamment l’apparition du métal, utilisé pour fabriquer des outils ou de la parure.
C’est aussi le développement de structures sociales complexes, avec notamment une hiérarchisation au sein de la population, et l’établissement de réseaux culturels et commerciaux très étendus.

De tels réseaux d’approvisionnement ont pu fournir l’or, mais également le cuivre, le spondyle, la cornaline, le marbre, la serpentinite, les longues lames jaunes (superlames) et d’autres produits de prestige découverts dans la nécropole de Varna

Le site chalcolithique de Varna est sans cesse réétudié, avec de nouveaux regards, mais surtout de nouvelles techniques d’étude plus sophistiquées.

Ce site, bien que hors du commun, est aujourd’hui emblématique de la période du Chalcolithique dans les Balkans.
Et cela a été une source d’inspiration riche pour ma collection « Varna ».

La collection Varna

J’ai choisi de faire ma nouvelle collection sur une période très importante de l’Histoire : le début de la métallurgie, et notamment du travail de l’or.
C’est un clin d’œil à mon travail de bijoutier.

J’avais envie que ma deuxième collection soit complètement différente de la première.
Visuellement, la collection Empreinte est très riche, avec son aspect extrêmement texturé. J’avais donc besoin de partir sur quelque chose de plus simple, avec des bijoux assez épurés.

nombreuses parures découvertes sur le site chalcolithique de Varna

J’ai directement trouvé mon bonheur en étudiant les bijoux de l’époque.
Ils sont simples, et les formes sont vraiment différentes de ce que j’avais travaillé jusqu’à présent.

Très rapidement, j’ai aussi vu que la fabrication elle-même allait m’apporter du renouveau par rapport à ma première collection, avec beaucoup de sciage, et de l’embouti, que je n’avais pas du tout utilisé dans la première.

J’ai repris directement certaines formes, tandis que j’en ai retravaillé d’autres, pour créer ma propre collection de bijoux.
Comme je ne souhaitais pas utiliser les formes zoomorphes, j’ai simplement utilisé le léger décor en embouti que l’on retrouve sur les bovins, par exemple.

J’ai également utilisé les perles en or que l’on retrouve dans plusieurs sépultures.
J’aime leur simplicité, et le côté imparfait, très « archéologique ».

Perles en or et en argent
Perles en or ( à gauche) et en argent.

Bibliographie

  • Curry, Andrew. “THE NEW UPPER CLASS.” Archaeology, vol. 64, no. 2, 2011, pp. 40–45.
  • Krauß, Raiko & Zäuner, Steve & Pernicka, Ernst. (2014). Statistical and Anthropological Analysis of the Varna Necropolis. In: H. Meller/ R. Risch/E. Pernicka (Hrsg.), Metalle der Macht – Frühes Gold und Silber. 6. Mitteldeutscher Archäologentag vom 17. bis 19. Oktober 2013 in Halle (Saale). Tagungen des Landesmuseums für Vorgeschichte Halle 11/II (Halle 2014) 371-387..
  • Leusch, Verena & Armbruster, Barbara & Pernicka, Ernst & Slavčev, Vladimir. (2015). On the Invention of Gold Metallurgy: The Gold Objects from the Varna I Cemetery (Bulgaria)—Technological Consequence and Inventive Creativity. Cambridge Archaeological Journal. 25. 353-376. 10.1017/S0959774314001140.
  • Leusch, Verena & Zäuner, Steve & Slavchev, Vladimir & Krauß, Raiko & Armbruster, Barbara & Pernicka, Ernst. (2017). Rich metallurgists´(?) graves from the Varna I cemetery. Rediscussing the social role of the earliest metalworkers..
  • Radivojević, Miljana & Roberts, Ben. (2021). Early Balkan Metallurgy: Origins, Evolution and Society, 6200–3700 BC. Journal of World Prehistory. 34. 10.1007/s10963-021-09155-7.

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